Aventicum, 43 apr. J.-C., seconde année de règne de l’empereur Claude.
-Grand-père, grand père, Marcus il m’a encore dit que les Helvètes étaient des rustres des montagnes et que c’est seulement Rome qui nous a rendu civilisés!
-Mais non, mais non. Tu lui as pas raconté notre histoire? L’histoire helvète?
-Mais je sais pas bien la raconter comme toi grand-père. Je m’en souviens jamais!
-Bon, je vais te la raconter encore une fois… Mais tu me promets que cette fois que tu t’en souviendras! Alors assieds toi et écoute bien mes mots, jeune homme!
Tout a commencé avec un très long hiver, un hiver qui dura des milliers d’année. Imagine-toi: il y eu jusqu’à mille mètres de glace au-dessus de nos têtes, rien ne pouvait vivre ici et rien ne laissait penser que nos cités prendraient vie sur ce plateau. Mais, comme à notre époque, l’hiver a fini par s’arrêter. Et quand les glaces se sont retirées, des hommes sont apparus! Non pas encore des Celtes, mais ils ont été les premiers à coloniser notre Helvétie. Des chasseurs, des cueilleurs, nomades et s’abritant dans des abris sous des falaises. Et tiens toi bien, il y a 10’000 ans, ils possédaient déjà l’arc et les flèches! Pas encore avec des pointes en bon fer comme les nôtres, mais en silex, une roche dure et tranchante. Et c’était très efficace! Ils vécurent comme ça longtemps, commençant déjà à faire de la poterie, comme notre voisin Publius, il y a 6’000 ans! Bon, pas exactement la même, comme mon gobelet en sigillée, et ils n’avaient pas sa roue et devaient monter leurs formes à la main, mais ils savaient déjà la faire!
Céramique rubanée du Néolithique
Et puis vint un âge de changement. Oui, celui de la pierre nouvelle (Néolithique). Du Sud-Est sont venues de nouvelles techniques, comment survivre sans avoir à se déplacer tout le temps. Les hommes ont appris à faire de nouvelles haches, toujours en pierre, mais plus résistantes. Car, comme tu le sais, le silex est très tranchant, mais fragile. Il fallait donc d’autres pierres, qu’ils ont polies pour faire de nouveaux outils. Et avec ceux-ci, ils ont coupés les arbres, et sur ces nouveaux espaces, ils ont commencé à faire pousser le blé, les premiers champs! Tout ceci date d’il y a longtemps… environ 5’000 ans.
Hache en diorite polie, France
Ces hommes vivaient dans des villages. Pas encore des villes comme notre Aventicum, ou comme Noviodunum (Nyon), mais c’était ce qui se faisait de mieux. Tu vois, ils construisaient leurs maisons en groupe. Chaque famille avait la sienne, toutes égales ou presque, dans des grands villages au bord des lacs. Ils avaient l’habitude de les construire sur des pilotis, pour éviter les crues. Nous avons longtemps cru que c’était des villages construits sur le lac, comme des ponts, mais nous nous trompions. Ils utilisaient même le dessous des cabanes comme espace de travail. Ils faisaient, comme nous, des greniers pour conserver le blé et passer les hivers sans souffrir de la faim. Et ils avaient de nombreux animaux domestiques: le porc, le bœuf, le chien. Tu vois, les choses ne changent pas si vite.
Restitution de village lacustre, Laténium
Gravure représentant des chasseurs mésolithique, Levant espagnol
Mais avec ces réserves, viennent les jalousies! Pour se protéger des animaux, et pour éviter que les leurs ne s’échappent, ils construisaient des barrières autour de leurs villages. Et aussi pour se protéger des pillards. Car crois-moi, une hache ou une flèche en pierre fait tout aussi mal que le fer! Les rapines étaient déjà de mise, car c’est plus facile de voler son voisin que de faire son pain. Et j’en sais quelque chose!
Puis, il y a eu une découverte exceptionnelle, pas seulement ici, mais dans tout le monde! On a découvert le métal! Tu vois le bronze, comme celui de ma fibule? Hé bien, c’est avec un de ses composants, le cuivre, que tout a commencé (Chalcolithique). On en a fait d’abord des ustensiles de prestige, pour les nobles, avec des poignards et plus tard, des haches. Mais c’est il y a 2’000 ans que tout a vraiment commencé à changer (Age du Bronze). Car les outils en pierres fonctionnaient et il a fallu du temps pour changer les manières de penser. C’est comme si maintenant nous découvrions soudain des bouliers faisant les calculs tout seuls. Impossible non?
Et ça a changé le monde! Car pendant que certains hommes étaient occupés à extraire le métal et à en faire des outils, il fallait que d’autres produisent plus de nourriture. Et ils n’avaient pas le temps d’honorer les Dieux. Des prêtres ont donc été choisis pour le faire. Avec, évidement, des guerriers pour protéger les villages. Du coup, c’étaient eux qui avaient le pouvoir, car la guerre était déjà présente. Pas à notre échelle, mais les nobles se battaient souvent pour le butin. Durant cette époque, que j’ai entendu un Grec de passage appeler l’âge du bronze, « l’âge des héros », les armes ont commencé à apparaître, des haches de guerre, des lances et des épées, mais aussi des tumuli, que l’on peut encore parfois voir aujourd’hui.
Et il y a 1000 ans… nos ancêtres sont arrivés! Nous, les Celtes. Enfin, on pense que c’est eux… Mais pas seulement, une grande vague de peuples est arrivée, balayant toutes les terres, pas seulement ici, mais aussi en Italie et en Ibérie (Espagne et Portugal), ils se sont installés et ont imposé un nouvel ordre (Peuples indo-européens). Les épées de bronze des habitants n’étaient pas à la hauteur de leurs armes…
Dessin d’un guerrier du bronze ancien (Avec hache et poignard)
Dessin d’un guerrier du bronze final (Avec lance, cuirasse, casque et épée)
-Et les Helvètes dans tout ça grand-père?
-Je vais y arriver. Car pour comprendre l’histoire, il faut commencer par le début. Là, je t’ai mené au début de notre histoire, notre histoire celte. Évidement un peu raccourcie, car les traditions se perdent. Mais va me chercher un verre de vin et je te raconterai la suite!
-Oui grand-père!
Bibliographie:
- BRIARD J., L’Age du Bronze en Europe, Paris, 1985
- KAENEL G., L’an -58, les Hélvètes, Archéologie d’un peuple celte, Grandes dates, Lausanne, 2012
- SAUTER M.-R, Suisse préhistorique des origines aux Helvètes, éd. fr., Neuchâtel, 1977
- Musée du Lathénium