Quand les Grecs et les Romains parlent des peuplades les entourant, ils emploient à de nombreuses reprises le nom de « barbares ». Ce nom a été repris dans notre imaginaire moderne et désigne un homme (ou une femme) sauvage vêtu de quelques peaux de bêtes et/ou de cuir moulant. Comme on peut l’imaginer, c’est loin du sens premier de ce nom qui désigne tout simplement des étrangers: pour un Grec, un Perse (sur l’actuel territoire de l’Iran), un Scythe (peuple du Nord de la Caspienne), un Thrace (un des peuples des Balkans au nord de la Grèce), un Germain ou un Gaulois seront tous des barbares sans grande distinction.

Bien que les Grecs aient été conscients des différences entre les peuples étrangers, ils ne se sont guère intéressés à les approfondir et il faut attendre l’expansion romaine pour que des auteurs anciens s’intéressent aux peuples au Nord des Alpes: les Celtes et les Germains. Ces deux peuples ont eu des destins qui se sont souvent croisés, voire mêlés, et dont les différences ne sont parfois pas très claires. Avec l’aide de deux auteurs romains, Jules César (-100, -44) et sa Guerre des Gaules ainsi que Tacite (58-120) et La Germanie, nous allons expliquer les différences entre les deux peuples avec un focus final sur les guerriers et la manière de combattre des deux peuples.

Tout d’abord, une petite précision sur ces auteurs est nécessaire. Il ne faut jamais perdre à l’esprit que ce sont des Romains parlant de peuples étrangers et donc avec des biais et des déformations possibles: César écrit avant tout un ouvrage de propagande politique pour justifier les coûts des guerre qu’il a mené durant sept ans en Gaule, et Tacite écrit sur un peuple très peu connu et ayant combattu Rome à de nombreuses reprises, tout en colorant son ouvrage d’une teinte très morale. Pour lui, il s’agit de montrer certaines vertus propres aux Germains pour dénoncer les vices de la société romaine. Il convient aussi de préciser qu’entre César et Tacite 200 ans ont passés et que les choses ont pu changer des deux côtés du Rhin: la situation que décrit Tacite n’est pas celle que César a pu vivre.

Restitution de la bataille de Teutobourg. Arte.tv

Première chose à définir, le contexte géographique. Germains et Gaulois ne vivent pas dans mêmes territoires. La Germanie, suivant Tacite est définie à l’Ouest par le Rhin depuis la Mer du Nord jusqu’à la Forêt Noire. La frontière Sud commence au Mont Abnoba, mont de ladite forêt et suit le Danube jusqu’aux Carpates. Celles-ci forment, avec la Vistule (fleuve) la frontière Est. Il faut noter que le Danemark et la Suède sont compris dans la Germanie, la Suède étant perçue comme une grande île et la Norvège est inconnue, mais sans doute aussi peuplée de peules pas très éloignés des Germains septentrionaux (du Nord).

Ensuite, il faut savoir que les Germains sont loin de former une seule nation unie, ce en quoi ils sont très semblables aux Celtes: les guerres entre peuples sont foison. Tacite dit d’ailleurs un propos très intéressant à ce sujet. Il affirme que pour les tribus un grand honneur est d’avoir le plus de terre vide autour de son territoire: preuve de sa puissance capacité à repousser ailleurs les peuples voisins.

Comme les Celtes, les Germains sont aussi adeptes des grandes migrations, la plus célèbre et dévastatrice ayant été celles des Cimbres (actuel Danemark) et Teutons (Nord de l’Allemagne), qui sera traitée dans un article prochain. On retrouve donc certains peuples germains vivant hors de Germanie. Ce mélange est particulièrement fort sur l’actuelle Belgique avec les Nerviens ou les Trévires, en Germanie, qui se targuent d’avoir des origines germaniques.

 

Restitution de guerriers germains par G.A. Embleto

De même, certains peuples celtes sont originaires de la Germanie, dont un nous touche particulièrement. En effet, selon Tacite toujours, les Helvètes sont issus de Bavière et se sont déplacés à la suite de migrations et de conflits avec leurs voisins. On peut donc observer que les frontières sont parfois difficile à établir avec précision et que les classifications sont ardues.

Parlons maintenant des guerriers germains de César, puis de la description de Tacite.

César, dans ses combats contre les différentes tribus gauloises, parle à plusieurs reprises de cavaliers germains s’opposant aux cavaliers gaulois. En effet, les Gaulois possédaient une très forte cavalerie, et de bons chevaux. Les Germains aussi étaient friands de chevaux, mais les leurs étaient de qualité médiocre, c’est pourquoi César leur en fourni. Cette cavalerie lui a permis de gagner de nombreuses batailles en ajoutant à la force brute des légions une flexibilité et une vitesse importante.

Lire Tacite contredit quelque peu César, car il décrit les guerriers germains comme étant avant tout des fantassins mais il ne faut oublier que les temps ont changés. Cependant, ils possèdent une infanterie légère remarquable, et les deux groupes combattent souvent mélangés. Il offre aussi une description de l’armement remarquablement précise. Tacite écrit que les Germains sont rares à utiliser la grande lance et le glaive, armes gauloises par excellence, se contenant de framées, courtes piques avec un fer réduit et de boucliers, qu’ils rehaussent de couleurs. Il précise aussi que les armures sont rares, tout au plus quelques casques de cuir ou de fer.

Un dernier point mérite d’être relevé: l’usage de nombreux traits est souligné: faire pleuvoir les javelots semble avoir été une tactique couramment employée, ainsi que la guérilla, peu utilisée par les Gaulois.

 

Reste d’une framée. Delacampe.net

Nous avons donc deux peuples certes voisins et dont les ressemblances sont proches, mais aussi très différents sur certains points, mais il serait trop long de tous les énumérer. Toutefois, il ne faut pas oublier un dernier point: aussi loin que l’Histoire nous est connue, des peuples germains et celtes se sont fait la guerre. Une preuve de plus que tous ces barbares avaient chacun une culture propre et ne se sentaient en aucun cas unis face aux « civilisés » comme peuvent parfois le laisser penser les représentations hollywoodienne de l’Antiquité.

Source:

  • TACITE, La Germanie , Arléa, Paris, 2011
  • JULES CESAR, La guerre des Gaule, Flammarion, Paris, 1964